« Mon Dieu, mais qu’est-ce qui s’est passé dans la cuisine ? »
« Eh oui, que veux-tu que je t’en dise… »
« La vérité, par exemple ? »
« La vérité, c’est que Papa est rentré avec les courses et a ensuite posé les sacs pleins de courses sur le sol de la cuisine, ce qui était très imprudent de sa part. »
« Sur le sol de la cuisine, où les courses ont été dépecées comme par miracle par deux petits diablotins noirs… »
« Non, ce n’est pas vrai, ce n’était pas nous – au cas où cette désignation irrespectueuse serait dirigée contre nous ! »
« C’était qui alors ? »
« Le Gremlin, parbleu ! C’est lui qui est responsable de tous les maux dans cette maison. »
« Le Gremlin ou deux rateros goinfres et sans scrupules ? »
« Bon, tu es bien placée pour le savoir, en principe : dans chaque maison où il y a des enfants d’humains, des chiens ou des chats, il y a tôt ou tard un Gremlin qui s’y installe subrepticement. Dans la journée, il se cache pour la plupart du temps sous le lit ou quelque part dans des coins obscurs où l’on ne le trouve pas et il n’en sort que la nuit. Et c’est à ce moment-là qu’il avale tous les biscuits sur lesquels il peut mettre ses pattes et crée ainsi un bazar tel que nous le trouvons à notre grand regret justement là devant nous dans la cuisine. Et quand alors les adultes disputent les enfants d’humains, les chiens ou les chats, le Gremlin se marre dans son coin, pardessus le marché. »
« Tiens tiens ! Alors,
1. Papa et moi-même venons justement ce matin de nettoyer tout l’appartement jusqu’aux derniers coins et recoins et nous avons également passé l’aspirateur sous le lit. À cette occasion, nous n’y avons déniché aucun Gremlin ni d’autres co-locataires cachés quelconques.
2. Papa n’a pas déposé les courses dans la cuisine en pleine nuit, mais l’après-midi.
3. ce ne sont pas seulement des biscuits qui ont disparu, mais une boîte de camembert a été déchirée, le papier en aluminium est éparpillé partout dans la cuisine, le camembert, lui, a disparu, tout comme env. 200 g de saucisse de dindon qui se sont volatilisés, le pain est en miettes, il en manque plusieurs tranches et pour ce qui est des autres dégâts, je n’ai même pas encore eu l’occasion d’en faire l’inventaire. »
« C’était toute une famille de Gremlins avec plusieurs enfants de Gremlins affamés. Ils étaient tellement affamés qu’ils sont sortis de leur cachettes même la journée pour chercher de la nourriture. C’est pourquoi, vous ne les avez pas trouvés quand vous avez fait le ménage ce matin. »
« Je crois plutôt que c’était l’œuvre de deux petits fripons qui ont alors inventé cette histoire de Gremlin pour trouver un moyen de s’en sortir… »
« Croire, ce n’est pas savoir. Mais tu as raison – ce n’était pas l’œuvre d’un seul Gremlin, il y en avait au moins deux. »
« Puisque vous prétendez avoir attrapé ces soi-disant Gremlins la patte dans le sac, pourquoi est-ce que vous n’avez pas mis fin à leur agissements et empêché ce larcin ? »
« Mais nous l’avons essayé ! Mais ils étaient trop nombreux contre nous deux petits rateros et ils se sont tous échappés en même temps dans toutes les directions ! Nous avons même essayé de les faire sortir des sacs des courses, mais les sacs se sont alors déchirés (puisqu’il n’y a que de sacs en papier désormais) et les Gremlins étaient partout ! Honnêtement, nous ne pouvions plus rien faire contre un tel surnombre. »
« Et bien entendu, vous avez fait de votre mieux pour éviter le pire… »
« Tant que nous pouvions le faire avec le peu de moyens à notre disposition. »
« Qu’est-ce que tu veux me dire par là ? »
« Bon, à part nos efforts supplémentaires déployés pour cette nouvelle tâche – à savoir, en plus de la garde de l’appartement et du jardin, et cela jour et nuit – une tâche pour laquelle nous devrions normalement toucher une prime de rendement – il nous faut pour ce travail éprouvant qu’est la chasse aux Gremlins quelques biscuits de plus ainsi que quelques tranches de saucisse de dindon et un peu de camembert. »
« Tu veux parler des denrées alimentaires qui viennent de disparaître comme par miracle des sacs des courses déchirés ? »
« Non, bien sûr que non, ces affaires-là ont été emportées par les Gremlins de manière illicite et contre notre résistance à corps défendant. Non, je parle d’une ration complémentaire officielle pour Bandito et moi-même qui n’honore non seulement notre lutte héroïque contre l’invasion des Gremlins mais qui nous procure aussi les forces et l’énergie supplémentaires pour nous permettre de faire face à cette tâche. »
« Je pense qu’une première mesure consistera à ne plus jamais déposer des sacs des courses pleins à même du sol de la cuisine. »
« Penses-tu ! Tu ne savais pas que les Gremlins savent voler comme des oiseaux ? Si vous déposez les sacs des courses sur le sol, nous pourrions au moins essayer de les garder – moyennant paiement adéquat, s’entend ! »