« Maman, j’ai à te parler. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Papa ne remplit pas sa mission. »
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »
« La nuit dernière, il n’était pas à son poste. Pour la énième fois. »
« Quel poste ? »
« Mais voyons, son poste de garde. »
« Que veux-tu qu’il garde ? Et de qui ? De quoi ? »
« C’est sa mission de nous garder tous, nous et la maison. Des intrus. »
« ça, tu dois me l’expliquer un peu en un plus de détails. »
« Voilà, je suis tout à fait disposé à être en faction pour la première moitié de la nuit. Vous avez sûrement dû remarquer que le soir, je me mets au lit avec vous, et ceci sur le pied du lit. »
« Oui, nous l’avons remarqué. En principe, nous avions pensé que la place des chiens n’est pas dans le lit, mais bon … Les choses se sont faites ainsi. Tu as imposé cette règle. »
« Oui, bien entendu, comment veux-tu que je remplisse mes missions sinon ? Après tout, tout le monde n’est pas aussi négligent que notre Papa … »
« Écoute, notre Papa est toujours plein de sollicitude pour nous tous. »
« Oui, mais il ne prend pas ses missions au sérieux. Car quand je suis couché sur le pied de notre lit, je veille sur la porte pour que personne n’y entre. Et à la longue, c’est assez fatiguant. »
« Oui, mais – qui veux-tu qui entre ? »
« Cela, on ne peut pas le savoir d’avance. Des intrus quelconques pourraient s’introduire dans la maison – des inconnus, d’autres chiens, les chats des voisins – tu ne t’imagines pas ! Tout ce petit monde n’attend qu’une chose, c’est de s’introduire en catimini dans notre maison et de vider le frigo. Sans parler du placard de cuisine de Bandito et de moi-même. Imagine-toi que le lendemain matin, tous les os à mâcher et toutes les friandises auront disparus– ce serait la catastrophe absolue ! »“
« Ah, d’accord, je comprends, c’est cela le vrai problème alors… »
« Oui, c’est tout à fait cela ! Et ce qui est grave, c’est que vers 3 heures du matin, je fatigue. Et c’est pour cela que j’ai instauré le relève de garde : À 3 heures du matin, je réveille le Papa. Bien entendu, pas avec un coup de fanfare et des cris (alors que, des fois, ce serait vraiment nécessaire, avec son sommeil profond), mais avec beaucoup de tendresse : pour commencer, je saute sur sa poitrine tout en remuant ma queue, très amicalement. Lorsqu’il revient alors petit à petit à lui, je lui lèche le visage. Avec beaucoup de tendresse, vraiment. Je continue alors à sautiller sur sa poitrine pour qu’il ne se rendorme pas. Malheureusement et malgré cela, il arrive qu’il ne comprenne toujours pas de quoi il s’agit en réalité et dans son demi-sommeil il radote quelque chose comme : ‚pipi ? ‘ – C’est alors cela le moment où je lui mets mon nez dans son oreille (ne t’en fais pas, je n’aboie pas quand même). Dans la plupart des cas, il réagit par un ‚César…‘ tourmenté, et je m’imagine qu’il a enfin compris que c’est le moment de la relève de garde.
Alors, je me blottis sous la couverture et je m’endors.
Et tu sais quoi ? »
« Non – raconte ! »
« Si jamais je me réveille par hasard en pleine nuit, je dois constater à mon grand regret que Papa ne prend ses responsabilités pas du tout au sérieux – car il s’est rendormi et il roupille comme un loir ! C’est un scandale absolu et une violation inacceptable de ses obligations de sa part. Aucun Papa à son chien sérieux ne rejette l’intégralité du service de nuit à son ratero, mais les tâches sont partagées. Malheureusement, on ne peut pas non plus compter sur Bandito… »
« D’accord, je vais expliquer cela au Papa pour qu’il sache au moins pourquoi tu le réveilles chaque nuit. Parce qu’il est déjà au bout du rouleau et terriblement harassé. Il s’est demandé à quoi cela rime ce numéro à 3 heures du matin. Maintenant, nous savons au moins cela. »
« Oui, dis-lui qu’il peut, lui aussi, se coucher ou s’asseoir au pied du lit (l’essentiel, c’est qu’il reste éveillé) et à 8 heures du matin, je reprends le service pour que le facteur n’ose pas s’installer chez nous. »
« Comme tu veux – je vais soumettre ta proposition au Papa, mais je ne peux pas te promettre qu’il passera la moitié de la nuit assis au pied du lit pour empêcher le facteur, des chiens imaginaires venus de l’extérieur ou les chats des voisins de vider nos placards dans la cuisine. »