« Maman, qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu cours à droite et à gauche et mets le bureau sens dessus-dessous ? »
« Je cherche le stylo rouge. Malheureusement, il ne nous en reste plus qu’un seul… Je ne comprends pas – je l’avais pourtant posé sur le tirage de la traduction pour que Papa puisse y noter ses corrections… »
« C’est moi qui ai emprunté le stylo. »
« Quoi ??? Et pourquoi cela ? J’espère que tu ne l’as pas mangé, chez toi, on ne sait jamais… »
« Qu’est-ce que tu veux encore insinuer par cela ? Non, j’étais malheureusement dans l’obligation d’emprunter le stylo rouge, après tout, je n’en ai pas, moi… »
« Mais à quoi bon un stylo ? Et en plus, un stylo rouge ? »
« Pour écrire mes mémoires, pour la postériorité. »
« Tes mémoires ? Je n’ai encore jamais entendu dire qu’un chien écrit ses mémoires. Pour quelle postériorité ? »
« Eh oui, tu vois ! Bien entendu, j’ai certaines obligations vis-à-vis de mon public et étant donné que toi-même et Papa, vous n’avez jamais songé à m’offrir mon propre stylo avec mon nom gravé dessus – comme le tien – je devais malheureusement emprunter celui-ci.
Tu n’es pas sans ignorer que même vous autres être humains, vous écrivez les choses importantes en couleur rouge et non pas en bleu ou en noir (je ne veux pas critiquer ton propre stylo, loin de là !). J’ai donc décidé d’écrire en rouge pour que mes mémoires se voient accorder la place qui leur revient. »
« Tes mémoires… ? »
« Oui, bien entendu. Depuis le temps, je ne dispose pas seulement d’une expérience riche de la vie et je ne suis non seulement suffisamment instruit (après tout, j’ai été reçu au baccalauréat des chiens), mais j’ai aussi des connaissances sur la vie commune avec les êtres humains dont devraient profiter à la fois les rateros à Majorque et ceux en Allemagne. »
« On ne peut pas vraiment dire que tu souffres de complexes d’infériorité… »
« Un tel concept est totalement inconnu chez nous, les rateros, et ne ferait qu’entraver inutilement que le développement naturel de notre personnalité, bien sûr. – Vu mon rang – après tout, je suis César de Villafranca, avocat des chiens – je suis même dans l’obligation de partager mon savoir, les résultats de mes recherches et mon histoire au profit de la postériorité. »
« Eh bien, j’ai hâte de voir cela… – Mais tu m’avais déjà dicté tes conseils d’éducation ‘Briefe an Emma’ (en allemand). Et maintenant, tu veux également écrire tes mémoires ? »
« C’est justement cela le problème : mon livre n’était destiné qu’aux chiens et top secret. Et pourtant, les êtres humains l’ont lu. Maintenant, j’écris mes mémoires moi-même, sans te les dicter, pour qu’ils restent secrètes. »
« Bon, d’accord, je suis désolée, nous autres êtres humains, nous sommes curieux, qu’est-ce que tu veux. Tu devrais comprendre cela, non ? Écris donc tes mémoires maintenant en te servant du stylo rouge, pendant ce temps, Papa prendra un autre stylo. »
« Mais il me faudrait aussi du papier, et ceci non pas le papier simple, blanc et inintéressant que vous utilisez, toi et Papa, mais du papier intéressant, bien adapté aux chiens. »
« Mais qu’est-ce que tu entends par cela ? Après tout, du papier est du papier. »
« Non, je parle du papier d’emballage pour la viande que Papa ramène du boucher. C’est autrement parfumé que votre papier blanc. »
« Oui, bon, pour l’instant, nous n’avons effectivement pas de papier d’emballage de chez le boucher parce que nous nous efforçons à ne manger de la viande qu’une fois par semaine et que Papa n’était donc pas chez le boucher ces derniers jours. »
« Pourrais-tu alors demander à Papa qu’il aille chez le boucher et y chercher du papier ? Mais il doit être parfumé de viande, il faudrait donc il achète de la viande avec pour que je puisse traiter le papier. »
« Ah, d’accord, je comprends… Oui, bien entendu, il est question de tes mémoires, d’un patrimoine culturel pour la postériorité qui ne saurait absolument être couché que sur du papier venant du boucher et en utilisant le stylo rouge. »
« Exactement, et plus vite que Papa cherche le papier spécial, plus vite je pourrai vous rendre votre stylo rouge. »
« Heureusement que nous avons un Papa aussi gentil et disponible… Et que va alors devenir la viande, au fait ? »
« Ben – tu l’as dit toi-même : toi et Papa, vous voulez manger moins de viande désormais… »