« C’est un scandale incroyable, nous allons alerter la SPA, la police, les pompiers et la chancelière d’Allemagne. Car ça ne peut pas continuer comme ça ! »
« Mon Dieu, qu’est-ce qui s’est passé ? »
« Ne fais pas celle qui n’est pas au courant : on prend des chiens et après, on les laisse seuls, des jours et des semaines durant, sans nourriture, sans eau et sans câlins. Sans parler de la télé arrêtée… »
« Je peux te demander qui c’est qui maltraite ses chiens si gravement ? »
« Mais voyons – toi et Papa ! »
« Et quel crime avons-nous commis ? Tu ne vas pas me dire qu’on vous a laissés seuls dans l’appartement, des semaines durant ? Parce que là, je ne suis pas au courant. »
« Oh que si, c’est justement cela ! Ce matin, vous êtes partis tous les deux, séparément, l’un après l’autre, sans nous emmener. Pire encore : nos écuelles étaient vides, notre placard dans la cuisine était fermé à clé (et pourtant, c’est NOTRE placard, eh oui) et le frigo aussi était fermé. »
« Écoute, nous ne vous avons pas laissés seuls pendant des semaines, mais nous avons quitté la maison pour un total d’environ une heure – sans vous. »
« Peu importe. Tu sais pertinemment que nous, les chiens, on n’a pas la notion du temps. Pour nous, c’étaient des semaines, pas juste une heure. »
« Par ailleurs, votre écuelle d’eau était remplie d’eau fraîche, les écuelles de pâté sont toujours remplies le soir seulement, nous avons de bonnes raisons pour fermer à clé votre placard avec votre nourriture et le frigo doit également rester fermé si nous voulons éviter que le moteur rende l’âme un de ces quatre. Et depuis quand est-ce que vous devez regarder la télé en notre absence ? Tout cela n’est pas une raison pour faire tout un raffut. »
« Oh que si ! On ne prend pas des chiens, prétend les aimer et s’en va ensuite chasser tout seul. »
« Papa était à la chasse des courses, c’était nécessaire et on ne peut y emmener des chiens. »
« Est-ce que tu veux dire par cela qu’il n’a chassé que pour vous et pas pour nous ? De mieux en mieux ! »
« Votre placard est encore plein, le nôtre pas. C’est pourquoi, il n’a chassé que pour nous. Pas besoin de t’en faire, vos prochains repas sont assurés. »
« Toi au moins, tu aurais pu rester à la maison et nous tenir compagnie. »
« De temps en temps, je dois aller chez le coiffeur si je ne veux pas me promener en épouvantail ambulant et risquer d’être arrêtée en pleine rue pour atteinte à la pudeur. C’est tout au moins tous les trois mois que c’est indispensable. »
« Si tu te faisais couper ton pelage sur la tête – car sinon tu es toute nue, je crois, et tu ne portes que différents pelages artificiels – aussi court que mon propre pelage et celui de Bandito, tu n’aurais pas tous ces problèmes. »
« Même dans ce cas, mon pelage sur la tête pousserait dans très peu de temps tellement que je devrais quand même retourner chez le coiffeur. On ne peut pas comparer votre pelage à vous à celui qui pousse sur nos têtes. »
« Mais tu aurais pu nous emmener chez le coiffeur. J’ai entendu dire que la coiffeuse a elle-même un chien. »
« On ne peut pas emmener les chiens chez le coiffeur. Même la coiffeuse n’emmène pas son chien. Il y a des endroits où l’on ne peut pas emmener son chien. »
« Cela doit pourtant changer absolument. Parce que nous aurions alors expliqué à la coiffeuse comment faire pour avoir un pelage très court sur la tête des êtres humains. C’est d’ailleurs bizarre que son chien ne le lui ait pas déjà expliqué, mais vous autres humains, vous êtes de toutes les manières assez obtus… »
« Oui, et mentalement arriérés, je sais. S’y ajoute désormais l’abandon coupable, si j’ai bien compris ? »
« Tu vois, tu fais des progrès. Si tu continues dans cette voie, tu peux devenir une Maman de chiens assez compétente. »
« Mais pas si tu alertes la SPA, la police, les pompiers et la chancelière allemande. Parce que dans ce cas-là, vous nous serez retirés et vous vous retrouvez au refuge de la SPA. »
« Bon, ben, nous ne voulions pas aller jusque-là… Notre préoccupation, c’était juste le paiement de dommages et intérêts pour la solitude pendant des semaines et des semaines dans un appartement froid, sans lumière ni biscuits… »
« Ah, d’accord, si ce n’est que cela – voici deux biscuits de notre fonds d’urgence pour deux rateros abandonnés, affamés, gelés et misérables. »