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« Voilà, celle-là, je lui ai montré de quel bois je me chauffe ! »
« À qui ? Qu’est-ce que tu as encore fait ? »
« À la vétérinaire incompétente. Et je n’ai pas ‘encore fait quelque chose’, mais c’était de l’autodéfense. Que de l’autodéfense, rien d’autre. »
« Qu’est-ce qui s’est passé ? »
« Elle voulait encore une fois me regarder dans la bouche, celle-là. Non, mais, qu’est-ce qu’elle s’imagine ? »
« Elle devait te regarder dans la bouche parce qu’elle voulait voir si tu avais peut-être un abcès à la dent. »
« Tu parles ! Ce ne sont que des prétextes, cela ! Je me souviens encore très bien quand j’ai laissé regarder mes dents par une blouse blanche la dernière fois – plus jamais ! Car après cela, il m’en manquait quelques-unes. Et pour que je ne me rende pas compte comment elle vole mes dents, elle m’a d’abord troué mon derrière, ensuite, je me suis endormi et quand je me suis réveillé, il me manquait quelques dents. Disparues à tout jamais. Je parie qu’elle les a soit placées chez elle-même soit elle les a exposées quelque part sur un placard dans une vitrine parce que vous autres humains, vous n’avez pas des dents aussi superbes que nous, les chiens.
Fabriquez-vous vos propres dents, les miennes, vous ne les aurez plus ! »
« Écoute, premièrement, tu avais à l’époque des problèmes dentaires et il fallait arracher quelques dents pour éviter que tu n’aies ou ne développes de maux de dents et que les dents malades ne rendent malade ton corps tout entier. Deuxièmement, la vétérinaire voulait juste voir cette fois-ci si tu avais peut-être un abcès à ta dent. Les abcès sont très dangereux et doivent être traités. Et oui, il se peut qu’il aurait éventuellement fallu arracher une dent. »
« Nous-y voilà, je le savais – elle voulait s’approcher de mes dents pour me voler au moins une de mes dents. Comme d’habitude. Mais moi, je ne marche pas : ce sont mes dents et elles resteront dans ma bouche. Point barre. »
« Mais tu as bel et bien compris que tu avais un abcès sur la joue droite qui avait pris une taille effrayante au bout de quelques jours seulement ? Il fallait alors agir tout simplement pour éviter que tu ne tombes gravement malade au point de risquer ta vie. »
« Ce n’est pas un abcès mais une blessure de guerre qui guérira toute seule, sans arrachage de dents et vos antibiotiques ridicules. D’ailleurs, ils ont un goût dégoûtant, vous ne pouvez pas au moins inventer des antibiotiques qui ont un goût de fromage, de cœurs de poulet ou de tartines à la confiture ? »
« Les tartines à la confiture rendent les dents malades. – Mais que veux-tu dire par ‘blessure de guerre’ ? »
« La blessure de guerre – qui n’était pas un abcès à la dent, après tout, je suis bien placé pour le savoir – provient d’un combat contre 7 dobermans, contre qui j’ai engagé le combat et que j’ai fini par vaincre tous. Dans un tel contexte, il peut arriver qu’on en emporte une cicatrice. Chez vous autres humains, on désigne cela par le terme ‘balafre de caïd, nous, les chiens, on nous traîne alors chez le vétérinaire pour leur ouvrir la bouche (heureusement que j’ai serré les dents) et on leur troue le derrière. »
« Quoi ??? Quels 7 dobermans… ? »
« Non mais – tu ne rappelles plus ? Mais tu étais avec moi – le vendredi soir à l’école canine. Il y a eu une bagarre avec morsures mettant en péril des vies, chez vous, les êtres humains, on appelle cela ‘actes de guerre’ et je suis le seul qui s’en est sorti vivant – et avec ma balafre de caïd. »
« Tu veux dire que tu voulais gentiment dire ‘bonjour’ à la petite chienne Jack Russel, mais elle, elle n’aime pas les autres chiens et elle t’a éraflé la joue avec une de ses dents, sans t’avertir, chose que je n’ai même pas vue d’abord, mais cela a provoqué une petite déchirure dans laquelle ont pénétré des germes de sorte qu’un abcès s’est formé sur ta joue, abcès qu’il fallait faire traiter par la vétérinaire ? Et après cela, tu as tout de suite couru vers moi et tu t’es caché derrière moi. »
« Tu vois, maintenant, tu reconnais qu’il était totalement inutile d’essayer de regarder dans ma bouche (car je n’aime pas ça), parce que la blessure de guerre se trouvait seulement à l’extérieur, sur ma joue. »
« La ‘blessure de guerre’, comme tu l’appelles, devait dans tous les cas de figure être traitée, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur. Après tout, nous autres êtres humains, nous n’avons pas d’yeux aux rayons X et nous ne pouvons savoir où exactement se trouve l’origine d’un abcès. »
« C’est bien ce que je dis – la vétérinaire est incompétente. Elle n’a même pas d’yeux aux rayons X. »
« Mais on ne saurait vraiment pas parler de 7 dobermans et des quelconques ‘actes de guerre’… »
« L’éducatrice de chiens a raison – dans la plupart des cas, les êtres humains ne disposent pas d’un sens suffisant d’observation : ils ne se rendent pas compte de l’essentiel et ne voient qu’une infime fraction de ce qui se passe en réalité. »
« Si tu le penses… »